Je m'attendais à ce que ça marche du 1er coup

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Tales from the Backlog #3 − The Lion’s Song

Tales from the Backlog est une série d’articles où nous vous racontons pourquoi et comment nous avons joué et parfois terminé des jeux longtemps restés sur nos étagères.

Ajouté à ma liste d’envie alors qu’il m’avait tapé dans l’œil à sa sortie, notamment par son trailer et sa direction artistique léchée, acheté à 1 ou 2€ pendant la dernière période de promotion de l’eShop, j’ai enfin joué et terminé The Lion’s Song, le premier bébé des autrichiens de chez Mipumi Games.

Et l’impression qu’il en ressort immédiatement est que, comme le dit si bien leur site internet, « Les bons jeux n’ont pas besoin d’être gros ».

Pour bien apprécier l’expérience proposée, il convient d’être le bon client : The Lion’s Song est un jeu narratif épisodique, de type point & click.
Il n’est pas question ici d’énigmes, mais de choix, et de conséquences plus ou moins évidentes dans le déroulé des épisodes ou la conclusion de l’histoire.
Les amateurs de la formule Telltale retrouveront ce goût tout particulier. Les amateurs de point & click à l’ancienne également, d’autant qu’ils verront, je crois, comment ce genre peut être utilisé pour produire aujourd’hui cette histoire prenante, touchante… et originale.

Car au delà de l’aspect « chorale » qui lit chacun des épisodes, c’est pour moi la première fois que j’ai pu avoir entre les mains un jeu / expérience narrative parlant de ce sujet que je pensais d’abord anodin, craignant même qu’il soit rasoir, et qui finalement m’a pris aux tripes : l’inspiration.

Exercice difficile d’en parler sans trop divulgacher… d’autant que le premier contact avec le jeu, et la découverte des différents personnages peuplant chacun des épisodes sont assurément plus forts si, comme moi, on le démarre sans trop d’informations.

Aussi si l’expérience vous tente, je ne peux que vous conseiller de ne regarder que ce trailer, et de ne pas lire la suite de ce billet, dans lequel je serai certainement obligé de parler de certains éléments de cette histoire, pour expliquer le ressenti qu’ils ont pu me donner.

Vous y comprendrez qu’il est question de trois destins particuliers, une violoniste, un peintre, et une mathématicienne, au début du 20ème siècle en Autriche.
Et cela vous donnera, je l’espère, l’envie de savoir pourquoi ces personnages sont importants, et comment leurs réalisations seront liées et impactantes dans le magistral épisode final, qui m’a laissé sans voix et donné à réfléchir.

Episode 1 : Silence

Un train en gare.
Un personnage qui ne nous est pas présenté monte à bord.
Et l’épisode commence.

L’épisode 1 est le plus court de tous.
Certainement car il était gratuit lors de la mise en ligne épisode par épisode du jeu (la version Switch et ses 350Mo contient d’office les 4 épisodes).
Comptez donc une grosse demi-heure pour suivre l’histoire de Wylma, jeune violoniste prodige, qui pour travailler sereinement et retrouver l’inspiration, va décider de s’isoler quelques temps dans un chalet en montagne.
Mais la tempête grondant, et l’isolement laissant souvent l’esprit divaguer lors de moments de fatigue, son travail ne sera pas facile.
Des actions que vous allez faire avant de tomber de fatigue dépendra des subtilités dans la partition de sa composition.
Chaque moment d’endormissement sera l’occasion d’en apprendre un peu plus sur le passé de Wylma, et pourquoi ce travail lui tient à coeur.
Et surtout… qu’allez vous dire à cet inconnu au téléphone qui dans sa solitude, ailleurs dans le pays, a appelé un numéro au hasard…

Le premier contact est un peu déroutant, d’autant que la brièveté de l’épisode peut laisser croire qu’on a fait un mauvais choix ou une mauvaise action et laissé passer quelque chose…
Mais déjà quelques détails laissent à penser qu’en cas de 2eme run, un choix différent pourrait avoir un impact différent sur le rendu d’une certaine scène…
La direction artistique est magnifique, cette musique finale est incroyable, mais l’interface est très limitée.
Le jeu nous fait tout de suite comprendre qu’il est là avec un propos, qu’il va prendre le temps de développer, et qu’il ne sera pas question de prouesse de mise en scène, bien que son côté minimaliste la rende sans doute plus efficace.

Mais il est encore difficile de voir où tout cela va mener, bien qu’on ait à présent accès à « la galerie des connexions », qui permet de visualiser de manière originale les liens entre choix et conséquences.

Episode 2 : Anthology

Un train, un autre personnage qui ne nous est pas présenté monte à bord.
Et l’épisode commence.

Il sera question ici de Franz, un jeune peintre au style particulier, qui va être introduit dans un cercle d’artistes et critiques d’art, pour présenter son dernier tableau.
Un tableau de Wylma, l’héroïne du premier épisode.
Particularité de cet épisode : lorsqu’il parle à un autre personnage, une sorte de « calque » de l’émotion qu’a ce personnage secondaire est dessiné dans la scène.
On comprend rapidement que Franz voit les « couches » des gens, un peu comme si en leur parlant il les regardait au plus profond d’eux même.
Et c’est ainsi qu’est son style de peinture : en peignant quelqu’un, il peint toute les couches qu’il voit, pour faire un portrait non pas du physique de son modèle, mais de sa personnalité intérieure.
Le tableau de Wylma impressionne le cercle, pourtant, la réaction d’une critique présente à cette soirée de présentation va nous apprendre que Franz est globalement frustré par quelque chose… Au point que ce démon intérieur est en train de lui ruiner la santé.

En plus des éléments graphiques que peut voir Franz, autre nouveauté de cet épisode : différents lieux sont visitables, donnant du corps à cette Vienne du début du 20ème siècle.

Sans rien en raconter de plus, à la conclusion de cet épisode, au bout d’une heure, j’ai eu la franche sensation que mes actions et choix avaient guidé vers cette conclusion.
Et c’est certainement cette fin d’épisode qui m’a le plus pris aux tripes parmi les trois épisodes principaux.
Bon sang que c’était fort !

Episode 3 : Dérivation

Un train, un troisième personnage qui ne nous est pas présenté monte à bord.
Et l’épisode commence.

Il sera ici question d’Emma, bibliothécaire qui cherche à entrer dans un cercle de mathématiciens pour y présenter sa théorie.
Problème : nous sommes au début du 20ème siècle, et il est encore hors de question qu’une femme puisse être une mathématicienne…
Son père venant de décéder, Emma reçoit ses affaires et habits dans un colis, et elle prend la décision de se travestir pour avoir une chance de pouvoir parler de ses idées…

Dans cet épisode, les connexions avec les épisodes précédents sont évidentes. On aura par exemple un autre éclairage sur une certaine scène du deuxième épisode, y ajoutant une touche d’une émotion nouvelle. Et on aura l’occasion de voir certains personnages secondaires qui n’étaient jusqu’ici qu’évoqués dans les dialogues des précédents épisodes.

Cette sorte de « sous-intrigue » imbriquée dans l’histoire générale et ces petits détails appuient encore plus le propos du jeu : quelles difficultés faut-il surmonter pour trouver l’inspiration, et comment cela peut-il affecter notre entourage ?

Cet épisode reprend la même interface et idées que le précédent, mais enlève la vision propre à Franz pour la remplacer par celle d’Emma : régulièrement, en fonction de son avancée dans sa réflexion, il nous sera possible de visualiser certains graphiques mathématiques, et il faudra choisir le bon. Rassurez-vous, rien d’inaccessible ou incompréhensible, pour certains j’y suis allé au pif après quelques mauvais choix.
Ceci dit, j’ai maintenant un bon moyen graphique de me rappeler comment retrouver la formule permettant de calculer la circonférence d’un cercle !
Et nouveauté propre à cet épisode : la carte de la ville permet de rapidement alterner entre Emma, et Emil, sa version traverstie.

On retrouve à nouveau des personnages bien écrits, une thématique originale, à laquelle s’ajoute quelques questions (effleurées) sur le progrès et l’égalité.

Toutefois, c’est l’épisode dont le final, très original également, m’a le moins touché.
Après la fin de l’épisode 2 telle que je l’ai vécue, il devait être difficile de se mettre au même niveau.

Episode 4 : Closure

Un nouveau personnage sur un quai de gare.
Ce même train « fil rouge » qui démarrait chacun des épisodes précédents.
Il monte à bord, s’installe dans son compartiment, dans lequel sont déjà présents les trois inconnus qu’on avait vu embarquer.

L’interface est ici très limitée, il ne sera question que de discuter avec ces trois hommes, pour comprendre, notamment à travers des flashbacks permettant de revisiter les lieux et revoir des personnages qu’on connait à présent, ce qui les lient aux héros des précédents épisodes, et pourquoi ils sont tous les quatre dans ce train.

Au bout d’une petite heure cette fois, je dois avouer que je ne m’attendais pas à cette conclusion, bien qu’elle me semble à présent évidente.
Je n’en dirais pas plus ici.
Libre à vous de nous demander plus d’informations si vous le souhaitez, ou de demander à en débattre si vous avez fini le jeu, mais sachez que la révélation finale, et le dialogue qui s’en suit sont forts et « raisonnent ».

Conclusage

The Lion’s Song est une expérience narrative originale, qui, fière des racines de ses développeurs, choisit ce cadre de Vienne dans les années 1900 pour exposer un propos fort, avec l’intelligence de ne pas le faire trop brutalement.

Je le résumerais modestement encore une fois en cette question : quelles difficultés faut-il surmonter pour trouver l’inspiration, et comment cela peut-il affecter notre entourage ?

Pour une première réalisation, Mipumi Games nous offre une pépite unique, avec une conclusion inattendue et forte.
Si le genre narratif vous plait, on ne peut que vous le conseiller.


Par MectonLaFlemme
Le 19 mai 2020 | Catégories : Tales from the Backlog

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