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Les Archives de Cranky – Quake sur N64
Pour les besoins de cet article, Quake 64 et Quake II ont été finis en version PAL (50Hz) sur une vraie N64 en utilisant l’adaptateur Raphnet et une configuration pour FPS « moderne » (donc le stick droit pour viser, le stick gauche pour bouger).
Je vous propose aujourd’hui d’explorer deux portages tout aussi improbables que fascinants : la série Quake sur N64. Elle arrive relativement tardivement par rapport à la version PC mais vous allez voir que chaque jeu essaie de garder l’essence de son homologue sur ordinateur, tout en faisant les compromis absolument nécessaires pour tourner sur la console de salon de Nintendo de l’époque.
Si aujourd’hui, on a presque l’habitude de voir un jeu sortir sur toutes les platformes possibles et imaginables, du PC à la Switch, en passant par la PS4, Xbox Series X ou encore les tablettes, c’était nettement moins le cas à la fin des années 90 et même au début des années 2000.
À l’époque, les consoles et les PC avaient vraiment des architectures radicalement différentes, limite divergentes sur certains points, et porter un jeu du PC à la console demandait du temps, de l’investissement, du talent et bien souvent une réécriture complète du moteur du jeu, une remodélisation de tous les environnements, modèles 3D, etc… Il s’agissait souvent de s’adapter aux spécificités des consoles et pas simplement d’appuyer sur le bouton « compiler vers la N64 ».
C’est ainsi que plusieurs studios se sont spécialisés dans ces portages (Midway Studios San Diego, Lobotomy Software, Looking Glass Studios et quelques autres). Et si adapter le code d’origine n’est pas forcément quelque chose d’impossible, il faut voir que les contraintes sur ces portages étaient généralement bien trop élevées pour se le permettre :
Tout cela a donc amené ces studios à créer ou réutiliser des moteurs et des outils maison, à faire des portages plus spirituels que réels des œuvres originales, amenant à des différences parfois notables. Toute l’astuce dans ces cas-là est d’arriver à maintenir suffisamment de la philosophie, du game design, des sensations et de l’aspect des jeux originaux pour ne pas faire se sentir lésés les consoleux qui s’y frottent. Mais cela implique quasi-systématiquement des différences, des coupes, des changements qui sont tout autant de morceaux fascinants de ces portages et qui justifient parfois à eux seuls le fait d’y rejouer aujourd’hui.
Et si certains de ces portages sont du coup relativement fidèles, avec des concessions minimales, d’autres ressemblent plus à des rêves fiévreux des jeux qu’ils tentent de (difficilement) copier.
Le 22 juin 1996 sort Quake sur PC. Il reprend pour son gameplay les mêmes principes fondamentaux et le même design général que Doom : vue à la première personne, boucle monstre-clé-porte, pièges, interrupteurs, crowd control dans des niveaux plus ou moins labyrinthiques mais toujours relativement contenus. Ces différents niveaux sont regroupés dans des chapitres, au nombre de 4 dans la version originale.
Mais contrairement à Doom qui est un jeu intégralement 2D (au sens propre, il n’y a pas de verticalité possible dans Doom, tout est « à plat », les ennemis sont atteignables sans jamais changer de hauteur), Quake utilise un moteur de rendu 3D révolutionnaire à l’époque… et du coup, loin d’être à portée de toutes les bourses. Si une carte accélératrice 3D, un truc globalement tout nouveau et donc cher mi-1996, n’est absolument pas requis pour y jouer, c’est tout de même fortement recommandé pour maximiser l’expérience de jeu. Quake deviendra ainsi rapidement un porte-étendard pour ce type de matériel qui va se banaliser dans les mois et années qui suivent (rappelez-vous les fabuleuses cartes Voodoo 1 et 2 et 3Dfx).
Doom 64 (qui mériterait lui aussi un article au complet tant c’est une version folle de Doom) sort en avril 1997 sur N64. C’est une équipe de chez Midway, Midway Studios San Diego, qui s’occupera ensuite du portage de Quake sur Nintendo 64 en utilisant très probablement la même technologie (on trouve beaucoup de similitudes entre les deux jeux). Quake 64 arrivera donc sur les étales en mars 1998 (1 an et demi après la version PC donc).
Et forcément le jeu fait des concessions :
Mais étonnement, le jeu apporte aussi quelques nouveautés bienvenues à Quake :
À l’instar de Doom 64, Quake 64 propose énormément de configuration de contrôle de sorte à ce que tout le monde y trouve son compte : vous avez un style GoldenEye (Style A), un style Turok (Style B) et vous pouvez aussi pratiquement tout personnaliser. Et heureusement d’ailleurs, parce que la configuration par défaut est absolument horrible !
Et du coup, cette version de Quake est étonnament fidèle à l’originale : on y retrouve la plupart des niveaux, le gameplay de base, les ennemis, les armes et finalement le feeling général du jeu. C’est effectivement une évolution en 3D de Doom d’un point de vue gameplay et même si elle est arrivée finalement un peu tard (puisqu’après la sortie de Quake II en fait), ce type de FPS à l’ancienne où l’action et l’exploration se mélange, reste une valeur sûre, encore aujourd’hui.
Le manque d’une fonction quicksave en cours de niveau se fait tout de même cruellement ressentir : si l’on meurt presque à la fin d’un niveau (et Quake adore lâcher des gros ennemis proches de la fin des niveaux), il faudra tout recommencer quoiqu’il arrive. Cela rend les derniers niveaux du jeu particulièrement éprouvants. Autant, j’ai réussi à finir les 21 premiers niveaux (sur 25) sans code de triche, autant il a fallu que je me résolve à utiliser le code pour démarrer les niveaux avec toutes les armes et la vie au max pour passer les derniers (et même avec, il m’a fallu énormément d’essais et de prudence pour y arriver).
Autre reproche que l’on peut faire à Quake en général : la redondance de ces armes. Aucune raison d’utiliser le fusil à pompe une fois qu’on a débloqué le fusil à canon double. Même chose pour le pistolet à clous et le super pistolet à clous. Il aurait probablement été plus judicieux de plus différencier ces deux catégorie d’armes au moins.
Mais ce sont vraiment des plaintes mineures, au final Quake reste aussi intéressant et pertinent à jouer aujourd’hui qu’il ne l’était il y a 25 ans et cette version N64 reste une très bonne mouture du jeu, surtout dans le contexte de l’époque.
Quake II change le fusil d’épaule passant d’un héritier de Doom à un FPS avec une vraie histoire, une progression et surtout des missions et objectifs. Quake II s’éloigne donc de son prédécesseur en ce sens : vous devez maintenant progresser à travers des niveaux plus ou moins interconnectés entre eux, suivant une progression logique, et dans chaque niveau remplir des objectifs (détruire tel ou tel truc, rétablir le courant dans telle section, etc…).
Et c’est plutôt dans l’air du temps à ce moment là. GoldenEye 007 sort sur N64 en août 1997, Quake II en décembre de la même année. S’il n’est pas aussi poussé dans sa notion d’objectifs, cela reste quand même un marqueur important à cette époque : on s’éloigne finalement de plus en plus d’un jeu typé arcade pour passer à un jeu plus « narratif » (bon on bourre toujours des centaines d’ennemis, rassurez-vous !). Half-Life renchérira quasiment un an plus tard en ajoutant des scripts beaucoup plus élaborés.
Quake 64 aura seulement quelques mois d’avance sur Quake II version PC qui sort le 9 décembre 1997. Il faudra de nouveau 18 mois (juin 1999) pour qu’une version grandement modifiée arrive sur N64 par Raster Productions.
Et nous avons là plutôt affaire à un portage « spirituel » qu’à un portage fidèle. J’entends par là que Quake II sur N64 reprend des choses de l’original (les armes, les ennemis, le design des décors, les objectifs) mais proposent une campagne complètement différente avec des cartes complètement inédites. En plissant les yeux, on croit reconnaître Quake II mais il suffit d’y jouer quelques minutes pour se rendre compte que le jeu n’a pas grand-chose à voir. Même les boss, repris de l’original, ont été modifiés et adaptés pour cette version N64.
On parcourt donc une vingtaine de niveaux en accomplissant une grosse trentaine d’objectifs au total, dans l’ultime but d’arrêter la menace Stroggs. Et oui, contrairement à Quake qui n’a qu’un fil rouge vaguement ésotérico-lovecraftien sans grand intérêt (bon, il a le mérite d’exister, mais c’est à peu près tout), ici il y a un vrai scénario : vous êtes un space marines et vous devez arrêter les Stroggs qui transforment vos petits camarades en machine bio-mécanique sans cervelle. Léger et subtile donc (sic), le scénario est surtout un prétexte à parcourir des niveaux qui se suivent géographiquement (la surface d’une planète extra-terrestre, suivi d’une station orbitale, suivi d’une lune, puis de la planète des Stroggs et pour finir leur vaisseau-mère). Si Quake 3 ne suivra plus du tout cette trame, on la retrouvera quelques années plus tard dans Quake 4.
Et du coup, d’un point de vue gameplay, ça ressemble effectivement bien plus à un FPS de la fin des années 90 : on élimine certes les ennemis sur son chemin, mais l’idée est surtout de détruire des objectifs, de débloquer des portes, etc… Une structure pas vraiment en rupture radicale avec ce que proposait Quake, mais une évolution majeure malgré tout. Quake II fait aussi l’effort d’être plus accessible que Quake point de vue difficulté : mis à part l’avant-dernier niveau (qui m’a donné des relents de Lair of the Blind Ones, mais qui a pour lui d’être esthétiquement très cool avec des plateformes mouvantes partout), le jeu n’est pas si difficile que ça et l’absence de quick save n’est plus vraiment un handicap ; on sent que les niveaux sont relativement contenus et suffisamment fournis en vie, en armure et en munitions pour être terminable en une fois. Il y a toujours des pièges un peu putes dans certains coins, mais jamais rien d’insurmontable.
Quake II rectifie aussi un peu le tir au niveaux des armes, qui sont bien plus différenciées qu’avant, en ajoutant notamment le Plasma Gun, le Rail Gun () ainsi qu’un BFG10K bien bourrin comme on les aime.
Si vous voulez jouer à Quake aujourd’hui, ce n’est pas bien compliqué, Quake Remastered est disponible à peu près partout et il contient, cerise sur le gâteau, l’intégralité de Quake 64 recréé. Vous n’avez donc aucune excuse pour ne pas jouer à ce grand classique du FPS, d’autant plus que vous pouvez maintenant bénéficier du cheat code ultime des joueurs PC, j’ai nomé la sauvegarde rapide.
Malgré ses quelques limitations, Quake 64 reste un portage impressionant pour l’époque, surtout quand on pense qu’il fallait encore un budget conséquent pour le faire tourner sur PC (certainenment plus conséquent qu’une N64 avec une manette et le jeu en tout cas).
Concernant Quake II, il n’a guère reçu de mise à jour depuis sa sortie malheureusement. Si l’on peut toujours y jouer dans sa version originale sur PC, il serait peut-être temps de le ressortir sur consoles et PC dans une version plus moderne, incluant, pourquoi pas, les niveaux inédits de la version N64.
Je finirai avec le mode multijoueur que je n’ai pas abordé jusqu’à présent, faute de temps passé dessus. Mais sachez que le mode 2 joueurs (oui, vous avez bien lu, seulement DEUX joueurs) de Quake 64 est super limité, ne proposant qu’une demi-douzaine de cartes, dont une inédite, et ne permettant pas d’affronter des bots. Il se paie en plus le luxe de tourner à 2 fps, même avec relativement peu d’actions à l’écran. Le mulijoueur de Quake II corrige le tir avec 4 joueurs, pas mal de cartes et quelques modes sympas en plus du classique match à mort, mais par contre il rame bien du cul à partir de 3 joueurs (ce qui n’est pas complètement inédit sur N64 non plus…).
Cette petite aventure m’a tout de même fait regretté une chose : nous n’avons jamais eu de portage de Quake III: Arena sur GameCube, histoire de continuer la série. Alors je sais que sans son multijoueur en ligne, le jeu perd beaucoup de son intérêt, mais j’aurais quand même bien aimé le voir débarquer sur une console Nintendo.
Par Mortal
Le 29 août 2022 | Catégories : Editos
Je le couperai au montage…Voir les articles de Mortal
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