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L’histoire des Nintendo World Championships
Si vous suivez l’actualité Nintendo, vous avez peut-être vu passer la news dernièrement : le week-end du 7 et 8 octobre 2017, s’est tenue la 3e Nintendo World Championships. Cette compétition mythique de jeu vidéo a marqué l’histoire de Nintendo aux États-Unis, mais beaucoup moins chez nous. Dans cet article, je vous propose une brève rétrospective sur le sujet.
La première Nintendo World Championships remonte à 1990. Cette année-là, Nintendo of America organise cette grande compétition de jeux vidéo, parmi 29 villes américaines. Contrairement à ce que son nom indique, ce championnat n’a donc rien de mondial (à moins de considérer les États-Unis comme le monde, ce que personne n’a jamais fait). La compétition s’est déroulée de mars à décembre 1990, tout d’abord au niveau local, pour désigner un champion par ville, puis au niveau national, lors des finales à Los Angeles. Les joueurs pouvaient concourir dans trois groupes séparés, en fonction de leur âge : 11 ans ou moins, 12-17 ans, et 18 ans ou plus. Pour les lots, NoA n’a pas fait les choses à moitié, avec pour chaque tranche d’âge :
La scénographie de la finale fut particulièrement soignée, avec un look futuriste-années 90, inspiré par la scène finale du film The Wizard. Évidemment, sans internet à l’époque pour suivre tout ça en direct, la plupart des enfants américains pouvaient juste baver sur les photos de leur magazine Nintendo Power, le mois suivant.
Là où ça devient intéressant, c’est sur le support de la compétition. En effet, Nintendo a produit une cartouche NES spécialement dédiée à l’événement, et judicieusement nommée Nintendo World Championships. Cette cartouche n’a jamais été vendue dans le commerce, mais un exemplaire a été donné aux 90 finalistes de la compétition. En plus de ça, il existe aussi 26 exemplaires dorés de la cartouche, qui ont été les récompenses d’un concours à part, organisé par le magazine officiel américain, Nintendo Power. Avec seulement 116 exemplaires dans le monde toutes versions confondues, Nintendo World Championships est rapidement devenu un des jeux NES les plus rares et convoités, le Graal ultime des collectionneurs, et par conséquent le plus cher. Son prix se négocie en dizaines de milliers de dollars, et a déjà franchi la barre des 100.000$ pour la version gold. Est-ce que les finalistes du concours, à l’époque, se doutaient que la cartouche en plastique qu’ils tiennent dans les mains aurait plus de valeur que la voiture ou les 10.000$ ? C’est aussi pour ce côté ultra-rare et presque légendaire de la cartouche, que la 1ère NWC a marqué durablement les esprits aux États-Unis. Ainsi, le Angry Video Game Nerd a consacré une de ses meilleures vidéos à ce jeu, qui illustre bien le phénomène.
D’un point de vue ludique, il s’agit d’un enchaînement de trois jeux NES : Super Mario Bros., Rad Racer, et Tetris. Dans Mario, le joueur a 99 vies, et l’objectif est d’attraper 50 pièces le plus vite possible. Dans Rad Racer, il faut finir la première course, et dans Tetris, accumuler un maximum de points avant la fin du compte à rebours. En effet, le temps de jeu total est limité à 6 minutes et 26 secondes. Des dip switch sur l’avant de la cartouche permettent de changer ce temps (mais pas pendant la compétition, bien sûr). À la fin du temps imparti, le score total est calculé en appliquant un coefficient sur le score individuel de chaque jeu. En pratique, avec un coefficient de 25, c’est Tetris qui rapporte le plus de points. Donc il vaut mieux finir les deux premiers jeux le plus vite possible (quitte à se suicider dans Mario si c’est plus rapide), pour avoir le plus de temps possible sur le dernier. Voilà un exemple d’un très bon score. Si vous voulez tester le jeu vous-même sans casser votre PEL, la ROM est disponible et fonctionne parfaitement en émulation. Il faut juste savoir une chose toute bête : à l’écran titre, il faut appuyer sur START de la 2e manette pour lancer le jeu.
Pour l’anecdote, ce principe de trois jeux enchaînés a été utilisé en tant qu’hommage, dans NES Remix 2 (Wii U, 2014). En effet, ce titre comprend un mode Nintendo World Championships Remix, à débloquer.
Par la suite, Nintendo of America a continué d’organiser des concours sur le même principe : une cartouche spéciale, et trois jeux enchaînés avec un temps limite. Il y a eu notamment deux Nintendo Campus Challenge, en 1991 et 1992, qui ont fait s’affronter des universités d’Amérique du Nord. La première s’est disputée sur une cartouche NES (Super Mario Bros. 3, Dr. Mario, Pinbot), et la deuxième, sur Super NES (Super Mario World, F-Zero, Pilotwings). En 1994, a eu lieu le Nintendo PowerFest ’94, sur Super Mario Bros.: The Lost Levels, Super Mario Kart, et Ken Griffey Jr. Home Run Derby. Néanmoins, ces compétitions n’ont pas eu le même impact que la Nintendo World Championships de 1990, et se sont arrêtées par la suite. Jusqu’à…
Le 13 mai 2015, soit 25 ans après la NWC 1990, Nintendo annonce à la surprise générale le retour de la Nintendo World Championships, dans le cadre de leurs événements E3. Pour cette annonce, Nintendo of America a réalisé une vidéo humoristique, où l’on voit Reggie Fils-Aimé se remémorer la compétition de 1990, et s’entraîner dur pour celle de 2015.
Les règles sont un peu différentes, cette fois. Les qualifications se sont déroulées au sein de huit magasins Best Buy dans tous les États-Unis, sur le jeu Ultimate NES Remix. Les huit meilleurs joueurs de chaque magasin, en plus de huit invités spéciaux, se sont ensuite affrontés à Los Angeles, pendant le traditionnel Treehouse de l’E3. Pas de cartouche spéciale, cette fois. Les jeux utilisés pour les finales sont à la fois rétro et modernes : Splatoon (Wii U), The Legend of Zelda (NES), Metroid Prime: Federation Force (3DS), Super Metroid (SNES), Mario Kart 8 (Wii U), Balloon Fight (NES), et Super Smash Bros. (Wii U). Mais la grande finale a eu lieu sur Super Mario Maker, avec des niveaux spécialement conçus pour l’occasion. Le choix de Super Mario Maker s’est révélé particulièrement efficace : outre son aspect symbolique, il permet par nature une grande variété dans les niveaux, avec souvent une dose non négligeable de sadisme, et par conséquent beaucoup de spectacle. À la fin de la compétition, Shigeru Miyamoto a fait une apparition surprise pour remettre le trophée, ainsi qu’une 3DS dédicacée aux deux finalistes : le champion John Numbers, et la joueuse professionnelle Narcissa Wright.
En tant que partie du Treehouse, tout l’événement a été diffusé en direct sur internet, et particulièrement apprécié du public américain et des média spécialisés. Il est toujours officiellement disponible en ligne.
En août 2017, Nintendo annonce une autre NWC, qui n’est pas liée à l’E3, cette fois. Là encore, le partenariat avec Best Buy se poursuit pour organiser les qualifications, dans huit villes des États-Unis. Elles sont séparées en deux groupes d’âge (moins de 13 ans / 13 ans et plus), et se déroulent sur Mario Kart 7. Le champion en titre, John Numbers, fait partie des qualifiés. L’événement principal, lui, a eu lieu à New York, les 7 et 8 octobre. Là encore, la sélection de jeux est à la fois rétro et moderne, avec les principales licences de Nintendo représentées : une course de surf dans Zelda Breath of the Wild, du scoring dans le mode Home Run de Super Smash Bros. Wii U, du Splatoon 2, du Metroid: Samus Return, les éternels Ballon Fight et Tetris, etc. On notera aussi la présence de titres moins conventionnels, comme Pyoro (DSiWare, 2008), qui provient d’un mini-jeu de WarioWare à la base. Il faut savoir que ni le public ni les compétiteurs sont au courant de ces jeux, ce qui apporte une dose de suspense à chaque annonce.
La finale en trois parties fut mémorable. Tout d’abord, elle a fait s’affronter les trois meilleurs joueurs lors d’une course à Super Mario Maker, dans des niveaux là encore aussi créatifs que retors. Les deux perdants se sont ensuite départagés sur Super Mario Bros. Deluxe (Game Boy Color, 1999). Je ne sais pas si vous vous rappelez, ce jeu avait un excellent mode course à deux, où les actions d’un joueur peuvent modifier le niveau de l’autre, par le biais de blocs spéciaux rouges. Je trouve que c’est une très bonne idée d’avoir ressorti ce titre à cette occasion. Enfin, les deux meilleurs joueurs restants se sont affrontés sur la star du moment : Super Mario Odyssey, pas encore sorti à l’époque ! Il faut bien avouer que c’est quand même assez classe. D’autant que le grand gagnant, Thomas Gonda, 21 ans, a finalement réussi a détrôner le champion en titre, John Numbers (spoiler alert). Et c’est Bowser en personne qui lui remet le trophée. Doug Bowser, responsable ventes et marketing chez NoA, à droite sur la photo.
Comme d’habitude, l’événement a été diffusé en direct sur Twitch et Youtube, et reste entièrement visible en ligne.
Nintendo a toujours su exploiter son patrimoine avec intelligence, et les NWC s’inscrivent définitivement dans cette logique, du moins outre-Atlantique. En 1990, la première compétition a marqué les esprits des joueurs et l’histoire de Nintendo of America. Aujourd’hui, les NWC représentent un spectacle bon enfant agréable à regarder, une source de mèmes rigolos, une célébration de l’histoire de la marque, et un outil de promotion intéressant. À ce titre, même si elles sont méconnues en France, les NWC méritent largement le coup d’œil.
Par Tardigrade
Le 10 octobre 2017 | Catégories : Editos
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