Vous avez dit mature ?

Eprouver le désir de s’attaquer aux piétons dans la rue, est-ce être mature ?

Cyrare évoquait récemment l’image de « console pour gamins » qui colle au Gamecube (éditorial Une console pour gamins : et alors ?), et il en venait à la conclusion que seuls les enfants étant frustrés d’être des enfants se soucient de cette image car, étant mécontents de leur condition, ils veulent donner l’impression d’être des grands. Or qui dit grands dit jeux matures. Et c’est justement à ces jeux matures que nous allons nous intéresser…

Les jeux « matures » sont habituellement opposés aux jeux « gamins ». Par « mature », les gens pensent « pour les adultes » ; en effet, les adultes sont censés être matures. Jusque-là le non-sens n’est donc pas complet. Cependant, il y a une confusion entre les deux sens du mot « adulte » : adulte en terme d’âge, et adulte mentalement.

Mais observons d’abord les jeux auxquels on applique ce terme de « mature ». L’exemple par excellence, LE jeu qui cartonne depuis plus d’un an en Europe et aux Etats-Unis : GTA (3, vice city, ce que vous voulez). Dans ce jeu, l’on est du « mauvais » côté de la loi , chose que je ne remets absolument pas en cause dans le principe, néanmoins l’on est en droit de s’interroger sur certaines possibilités offertes par le jeu. Eprouver le désir de s’attaquer aux piétons dans la rue, est-ce être mature ?

Autre exemple de jeu mature : BMX XXX. Tout est dans le titre : des BMX et du X (à ceci près qu’ils n’ont quand même pas eu l’audace d’aller jusqu’au X). C’est tellement mature de regarder des filles à moitié nues faire des acrobaties sur leur BMX…

A travers ces deux exemples, nous avons mis en évidence les deux éléments clés du jeu mature : la violence et le sexe. Ces deux mêmes éléments qui font que le jeu vidéo est tant décrié. Je ne dis pas que la violence et le sexe sont nécessairement incompatibles avec des produits de qualité, mais pas de la manière dont ils sont exploités dans GTA ou dans BMX XXX (le cinéma et la littérature fournissent de nombreux contre exemples, Orange mécanique pour n’en citer qu’un). L’usage de ces deux éléments est ici complètement gratuit.

Toutefois n’oublions pas ce dont nous parlions au début : les deux sens du mot adulte et son association avec le terme mature. On peut voir une origine de cette mésentente dans le terme anglais « mature » (« Perfect Dark : rated M for mature », nous disait la publicité américaine) : le public auquel le jeu est destiné doit être adulte (c’est à dire avoir un âge suffisamment élevé) car on juge que le contenu peut nuire à l’équilibre de certains enfants ou adolescents. Mettre de la violence et du sexe dans un jeu impose de le réserver à un public suffisamment âgé mais ne suffit pas à le rendre digne d’intérêt. Ainsi toute personne adulte (au sens de raisonnable cette fois) se désintéressera de ce genre de jeu s’il est complètement creux, s’il ne repose pas sur un gameplay solide.

La maturité est, selon le dictionnaire, une sûreté de jugement qui s’acquiert avec l’expérience. Qu’est-ce qu’un jugement sûr ? Un jugement fiable, qui approche la vérité. Et quelle est la qualité requise pour délivrer un tel jugement ? Sans doute de savoir dépasser les apparences pour s’intéresser au fond du problème, laisser de côté le superflu pour ne considérer que l’essentiel. Or actuellement c’est tout le contraire que l’on fait pour dire si oui ou non un jeu est mature.

Nous avons donc montré que l’emploi courant du terme mature rapporté à un jeu est tout à fait impropre. Mais ce n’est pas tout ; en effet, nous sommes aussi en mesure de dire quels sont les jeux vraiment matures : ceux qui ont un fond. Et le fond d’un jeu vidéo, c’est le gameplay.