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Le rachat d’Atlus par Nintendo est-il crédible ?

L’information date du 19 juillet et commence à être pas mal relayé, notamment sur le web francophone. Enfin, « information » est un bien grand mot puisqu’il n’y en a pas vraiment : présenté à tort (intentionnellement ou non) comme une rumeur, tout ceci n’est en réalité qu’une simple théorie, provenant de l’International Digital Times. Il n’y a donc aucune source, même anonyme, pour étayer cette thèse qui n’est rien d’autre qu’une analyse et n’a par conséquent rien d’une rumeur.

Petit rappel des faits, Index Corporation est une holding japonaises impliquée dans plein de domaines, notamment le club de football français de Grenoble, mais surtout – ce qui nous intéresse ici – l’éditeur Atlus. En gros, Index accuse des difficultés financières depuis un moment, et est allé jusqu’à mentir sur ses résultats, entraînant sa faillite actuelle dont elle a peu de chances de se relever. Du coup, des mises aux enchères des différentes parties d’Index (un peu comme ce qui s’est passé avec THQ) vont être mises en place et devraient se finaliser début septembre.


Logo Index


Tout ce qui nous intéresse donc est de savoir qui reprendra Atlus (si toutefois Atlus est bien vendu, il reste une possibilité qu’Index parvienne à se renflouer grâce à ces enchères et conserve donc quelques-unes de ses activités), sachant que l’éditeur fonctionne visiblement plutôt bien, que ce soit grâce à sa série phare Shin Megami Tensei, sa deuxième série phare (qui est en fait issue de la première) Persona, quelques petits succès non négligeables comme Etrian Odyssey ou Catherine et sa branche américaine qui réussi plutôt bien son expérience de « petit éditeur qui localise des jeux japonais qui autrefois ne sortaient pas du Japon ».


La théorie de l’International Digital Times s’appuie sur deux choses pour convaincre que Nintendo va racheter Atlus : la promotion (aux États-Unis uniquement) mise en place par Nintendo pour offrir 30 $ de crédit sur l’eShop aux personnes qui achètent à la fois Fire Emblem Awakening et le tout récent Shin Megami Tensei IV. Et l’existence du cross-over entre les séries Shin Megami Tensei et Fire Emblem qui est prévu sur Wii U, financée par Nintendo qui se chargera d’éditer le titre.


Shin Megami Tensei Fire Emblem


Premièrement, IDT souligne que ce principe de promotion organisé par Nintendo of America n’est habituellement réservée qu’aux jeux Nintendo et qu’y inclure un jeu d’un éditeur tiers est une première. Ce qui n’est pas tout à fait vrai, puisqu’on a vu récemment une offre européenne où Castlevania : Mirror of Fate était concerné, un jeu édité par Konami (même si Nintendo est impliqué dans sa distribution européenne, certes). Il est surtout bon de rappeler que ce type d’opération promotionnelle organisée par Nintendo est quelque chose de nouveau : cela n’existait pas au temps de la DS et de la Wii. Donc forcément, avec un historique aussi court, c’est facile de trouver des choses « sans précédent ». Personne n’annonçait que Namco Bandai serait racheté par Nintendo sous prétexte que AKB48+Me devenait le premier jeu « boîte » d’un éditeur tiers à être disponible sur l’eShop.


Surtout, ce type d’opération est essentiellement la conséquence logique de l’existence de Shin Megami Tensei x Fire Emblem : une habile manière de s’adresser aux fans d’une série pour promouvoir l’autre, et donc de préparer le terrain à ce cross-over. Quant à l’existence de ce jeu, IDT admet qu’il y a un précédent, à savoir Mario & Sonic aux Jeux Olympiques, mais que c’est le seul. En réalité, il ne faut surtout pas voir en l’existence de Shin Megami Tensei x Fire Emblem autre chose qu’une collaboration entre Nintendo et Atlus pour alimenter sa Wii U, et au passage éditer un jeu qui aura certainement un petit succès non négligeable. C’est exactement la même chose que le fait que Sega ait développé un F-Zero, que Namco aura développé un Starfox, deux Mario Baseball et travaille actuellement sur le prochain Smash Bros., que Square a réalisé dans le temps Mario RPG et plus récemment Mario Slam Basketball et Mario Sports Mix, que Konami a réalisé un Dance Dance Revolution with Mario, que des personnages de Super Mario soient apparus dans des jeux Electronic Arts tel que SSX On Tour, ou encore plus récemment que Nintendo aura édité Sing Party, un jeu développé par un studio qui appartient à Activision Blizzard, ou Lego City Undercover, un jeu développé par un studio qui appartient à Warner Bros.


Pokémon Conquest


En réalité, il y a même un précédent bien plus similaire à Shin Megami Tensei x Fire Emblem que le Mario & Sonic. Celui de Pokémon Conquest, renommé ainsi en occident – et probablement la raison de l’oubli de ce cas par IDT. Le titre original n’est autre que Pokémon + Nobunaga no Yabô : un cross-over entre Pokémon (Nintendo) et Nobunaga’s Ambition (Koei Tecmo). Pas de quoi crier là encore au rachat, même si la Team Ninja, un des studios de Koei Tecmo, s’était auparavant chargé de développer un Metroid. Il est juste dans la logique stratégique de Nintendo d’opérer ainsi avec les éditeurs tiers pour les convaincre de développer sur leurs consoles. Car sans ce cross-over, Atlus n’aurait assurément pas voulu développer un Shin Megami Tensei sur une Wii U qui ne convainc pas le public. Mais en ajoutant une autre série du catalogue de Nintendo et se chargeant d’éditer le projet pour éviter tout risque financier, Nintendo a clairement de quoi convaincre les équipes d’Atlus de s’intéresser davantage à sa console. Et d’offrir ainsi de quoi inciter quelques dizaines de milliers de fans de SMT d’acheter sa machine. Voilà, purement et simplement, les logiques d’un tel rapprochement. Il ne faut pas chercher plus loin que ça.


Après, il est évident que Nintendo a les moyens de racheter Atlus. Compte-tenu du fait qu’il serait absurde pour une société occidentale d’acheter un éditeur qui cartonne essentiellement au Japon, Nintendo est même la société impliqué dans le jeu vidéo qui est la mieux placée pour pouvoir acheter une autre société. Même si, comme le suggère IDT pour émettre une réserve à sa propre théorie, Sony en venait à vouloir racheter Atlus, il ne fait aucun doute que Nintendo pourrait gagner cette bataille d’enchères grâce à ses réserves phénoménales.


Ventes des Persona au Japon


Mais la question essentielle consiste à savoir s’il s’agirait là d’un bon investissement pour Nintendo, comme pour Sony d’ailleurs qui seraient finalement les deux candidats les moins crédibles à ce rachat. Pour une simple et bonne raison qu’Atlus investi autant dans des jeux pour consoles Nintendo que pour consoles Sony. Si les séries Shin Megami Tensei et Etrian Odyssey sortent désormais sur les consoles portables Nintendo, les jeux Persona sont quant à eux réservés aux consoles Sony, et fonctionnent même très bien sur ces supports, à l’image du portage Vita de Persona 4 qui reste à ce jour le jeu le plus vendu de la console au Japon, rien que ça. Le très attendu Persona 5, en développement depuis un moment et probablement sur PS3, a même le potentiel de devenir le plus grand succès historique de la société. Ce qui ne serait clairement plus le cas s’il en venait à devenir une exclusivité Wii U.


Bref, faire d’Atlus une société dédiée à un seul constructeur serait quelque chose de problématique pour la santé même de cette société, qui a un public bien établi sur des supports définis. Dans les deux cas – Sony ou Nintendo – changer de support reviendrait à décevoir ses fans, d’une manière similaire à la gestion calamiteuse de la saga Tales of par Namco Bandai qui a du faire face à trois échecs (Vesperia sur 360, Hearts sur DS et Graces sur Wii) avant d’écouter son public et renouer avec le succès en revenant sur une console (de salon) PlayStation.


Tout est possible, et Nintendo comme Sony pourrait donc potentiellement racheter Atlus. Mais ce serait clairement un rachat qui aurait de grandes chances de ne pas être rentable, ce qui forcément doit bien refroidir les potentielles ardeurs de ces deux constructeurs. C’est bien beau de vouloir accumuler les exclusivités, mais il y a une réalité économique à ne pas négliger. Et en ce sens, il est bien plus probable qu’Atlus soit récupéré par un autre éditeur tiers japonais, ou bien, éventuellement, par une autre holding comme Index qui n’est pas forcément impliquée dans le jeu vidéo.


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